frontOn ne peut pas dire que la scène Hard/Heavy italienne ait été à la pointe dans les 80’s. Certes, un groupe comme VANADIUM a marchotté au début des 80’s et s’est fait un nom dans son pays. Des groupes tels que DEATH S.S, STRANA OFFICINA, ROYAL AIR FORCE sont devenus cultes. Autrement, la scène italienne a été dans l’ombre de ses homologues nord-américains (USA, Canada), australiens, britanniques, allemands, scandinaves et même japonais. Et tant pis si des formations comme BLACK HOLE et Paul CHAIN ont contribué à apporté au Doom Metal ses lettres de noblesse durant cette décennie. Il est vrai aussi que l’Italie s’était bien gardée de soutenir ses représentants du Heavy Metal, préférant mettre en avant ses chanteurs et chanteuses de variété (également accueillis à bras ouverts par la France à l’époque, en passant).

Pourtant, de tous les groupes qui ont animé la scène Hard/Heavy italienne durant les 80’s, il s’en trouvait un qui possédait des atouts intéressants pour percer sur le plan international. Ce groupe, originaire de Toscane, s’appelle DARK QUARTERER. Ayant commencé en 1974 sous le nom de OMEGA R, le groupe se cantonnait à jouer des reprises de standards orientés Hard Rock, Rock Progressif, mais sans jamais faire de scène. C’est en 1980 que le groupe a changé de nom, pour opter pour celui de DARK QUARTERER, et a décidé d’écrire et composer ses propres chansons. Il lui aura fallu attendre 7 ans pour pouvoir sortir son premier album, un éponyme, qui a fait son chemin dans le circuit underground et récolté quelques critiques assez positives. Officiant an tant que trio, DARK QUARTERER ne perd pas de temps et sort en 1988 son second album, qui a pour titre The Etruscan Prophecy.

Vu le titre de l’album, ainsi que sa pochette, on se doute bien qu’on n’a pas affaire à du Glam Metal ou du Big-Rock, les Etrusques faisant référence à un peuple qui a vécu dans le centre de l’Italie durant l’âge du bronze. D’autre part, si on se réfère aux textes, les musiciens semblent très portés sur l’Histoire, la mythologie, les légendes, l’ésotérisme. Sur le plan musical DARK QUARTERER navigue dans les eaux du Heavy Metal épique, tout en y injectant une bonne dose de Progressif et une pincée de Doom. Voilà qui est intéressant, à première vue.

6 titres composent ce second album de DARK QUARTERER, dont un instrumental. Le titre d’ouverture, « Retributioner », constitue une bonne mise en jambe avec ses riffs assombrissants et la voix mélodique, tantôt haut perchée, tantôt dans les médiums du chanteur/bassiste Gianni Nepi qui illustrent superbement ce titre travaillé et épique qui mélange influences progressives, Metal mélodique et ambiances Doom, le solo de guitare à la fois fluide, classe et majestueux constituant la cerise sur le gâteau. En tout cas, on entre aisément dans ce titre, bien ficelé. Les 3 autres titres chantés s’étirent sur une durée de plus de 9 minutes et, pour être franc, on regretterait presque qu’ils ne durent pas 9 heures. Parlons pour commencer de « The Etruscan Prophecy »: cette compo à tiroirs, à géométrie variable est mise sur orbite par une intro narrative assez flippante, avant l’arrivée de riffs qui flanquent la chair de poule. Le titre fait réellement voyager l’auditeur, notamment grâce au chanteur (Gianni Nepi) qui met beaucoup d’émotions, d’intensité dans sa performance vocale, au point qu’on se croirait dans la B.O d’un film dramatique (ou d’aventure) plein de rebondissements. On note également l’arrivée d’un break acoustique calme, impromptu au beau milieu du titre qui amorce un changement d’ambiance radical, ainsi que des mélodies aux petits oignons tout au long de cette pièce musicale pour un résultat magistral. Le terme pièce musicale colle aussi parfaitement à « Devil Stroke » qui commence par de la guitare shred durant 40 secondes, en guise d’intro, avant qu’on bascule dans un Metal Progressif influencé par RUSH, recouvert d’ambiances sombres et constamment sous tension. Puis après 5 minutes, les riffs se déchaînent en prenant une tournure Rock n’ Rollienne aussi impromptue qu’inattendue. Sur ce titre, les musiciens sont vraiment au top niveau (je rappelle qu’ils ne sont que 3, ce qui souligne bien leur performance) et le solo à la six-cordes à la fin est simplement ahurissant. Quand à « Angels Of Mire », c’est un morceau qui fait croire au début qu’on a affaire à une power-ballad (ou ballade) car il est calme pendant environ 2 minutes et 20 secondes avec le chant posé, serein, les guitares acoustiques, puis les riffs Heavy déboulent pour muscler le tout, faire monter la pression crescendo, la section rythmique profitant de l’occasion pour se faire plus mordante et, entre 6′ et 7’30, le guitariste Fulberto Serena se permet de chambrer gentiment Yngwie Malmsteen sur son propre terrain, mais sans jamais déborder, ce qui contribue à maintenir l’auditeur en haleine sans interruption.

2 morceaux, assez courts, sont présents sur l’album, mais ils servent plutôt d’interludes, permettent à l’auditeur de reprendre son souffle entre chacun des titres travaillés. « Piercing Hail », sorte d’interlude à la fois calme et reposant, voit la basse tenir la dragée haute à la guitare claire et, lors des 30 dernières secondes, les guitares montent davantage en puissance au moment où le chant se fait plus énervé. Quand à « The Last Hope », c’est un instrumental qui permet au trio italien de surprendre son monde  car l’ambiance est plutôt typée Flamenco, contrastant avec l’ensemble global de l’album, par l’entremise des guitares sèches hispanisantes.

C’est un travail magistral qu’a accompli DARK QUARTERER sur The Etruscan Prophecy, en dépit d’une production plutôt rustique, mais donnant tout de même un certain charme à l’album. Si le chanteur/bassiste Gianni Nepi n’est pas sensationnel, il sait moduler sa voix, transmettre des émotions avec une justesse implacable. Les musiciens sont vraiment excellents, brillants et mettent habilement leur savoir-faire au service des titres inspirés, intelligemment construits. Justement, plusieurs des titres présents sur cet album auraient pu figurer sur la B.O d’un film du genre Highlander ou Conan le Barbare. DARK QUARTERER fait sans doute partie des secrets les mieux gardés d’Italie et The Etruscan Prophecy est un de ces trésors cachés des 80’s qu’il convient de redécouvrir, réhabiliter. En tout cas, on peut trouver chez ce trio italien quelques points communs avec QUEENSRŸCHE, FATES WARNING, RUSH ou leurs compatriotes de BLACK HOLE et Paul CHAIN.

Tracklist:
1. Retributioner
2. Piercing Hail
3. The Etruscan Prophecy
4. Devil Stroke
5. The Last Hope
6. Angels Of Mine

Line-up:

Gianni Nepi (chant, basse)

Fulberto Serena (guitare)

Paolo Ninci (batterie, percussion)

Label: Cobra Records

Producteurs: Enrico Mangora & Giorgio Mangora