Entre ses nombreux projets, on se perd un peu dans la discographie de Paul Sabu, dont les débuts remontent à la fin des années 70. Sous son nom propre ou sous les étiquettes Sabu, Kidd Glove voire Only Child, tous ces projets peuvent être considérés comme des albums solo de l’Américain, tant il les dominait sur tous les plans : écriture, chant, guitare et souvent production. C’est un boulimique, voire un ogre que ce chanteur généralement très apprécié dans le petit monde de l’AOR et du hard rock mélodique, mais qui en tant qu’interprète n’a cependant jamais été un poids lourd des ventes d’albums aux États-Unis, et moins encore dans le reste du monde. Pourtant, Paul Sabu ne faisait pas tout à fait dans la discrétion, et surtout à partir de cet album : à la manière d’un Sammy Hagar au timbre très proche, l’homme rugissait peut-être plus qu’il ne chantait ; ses compositions bien que très mélodiques, dépotaient en conséquence, et ne parlons pas de ses choix de production qui s’alignaient sur les standards maximalistes du moment.

Ce sont en gros les grandes lignes ayant guidé l’élaboration de ce Heartbreak, un album qui marque une rupture avec le précédent projet (Kidd Glove), et qui sur dix titres ne donne guère le temps de souffler à l’auditeur. C’est plutôt plaisant dans l’ensemble, quoiqu’un peu répétitif en arrivant vers la fin, et c’est là le principal travers de Paul Sabu qui ne se renouvelait guère au fil des compositions. Le plus accrocheur se situe globalement sur la première face du disque, notamment avec « Angeline » qui marie agréablement l’accroche mélodique de l’AOR à la force de frappe du hard rock. Les riffs sont tranchants, la batterie cogne dur malgré la forte réverbération coutumière des productions du milieu des années 80, et comme à son habitude Paul Sabu ne ménage pas ses cordes vocales. Un peu plus doux, « Call Of The Wild » laisse une place plus prépondérante aux synthétiseurs, sans excès. Avec « Shake, Rattle, Roll », on a une troisième déclinaison du style Sabu avec une orientation plus heavy sur un tempo assez débridé. Retour à un AOR plus détendu sur le mid-tempo « Just For The Moment » qui redonne un peu plus de place aux sonorités de clavier, tout comme « Breakin’ Out » qui en fin d’album pourrait donner l’impression que l’heure de la ballade a sonné ; mais le refrain redonne vite un peu de vigueur à des couplets qui misent sur une certaine sensualité.

Sur la plupart des titres, le style rappelle quand même clairement le répertoire solo de Sammy Hagar, et ce n’est pas « Hot Flash », « Heartbreak » ou « Tuff Stuff » qui détourneront de cette comparaison, tant on les aurait bien vus sur VOA. L’album du futur chanteur de Van Halen avait été chaleureusement accueilli sur le marché américain l’année précédente, et c’est probablement le public sur lequel lorgnait goulument Paul Sabu avec cet album qui restera comme l’un des plus réussis de sa carrière, si ce n’est le meilleur. On notera enfin pour l’anecdote que l’étoile photographiée pour la pochette sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard est celle dont fut honoré le père du chanteur — né en Inde — pour célébrer sa carrière d’acteur.

Titres :
01. Angeline
02. Call Of The Wild
03. Shake, Rattle, Roll
04. Just For The Moment
05. Hot Flash
06. Heartbreak
07. Tuff Stuff
08. Still Alive
09. Breakin’ Out
10. New Girl In Town

Musiciens :
Paul Sabu : chant, guitare, chœurs
Dan Ellis : clavier, chœurs
Rick Bozzo : basse, chœurs
Charles J. Esposito : batterie, chœurs

Production : Paul Sabu

Label : Heavy Metal America