Cela peut paraître exagéré, voire présomptueux de ma part, mais j’estime que THE DICTATORS fait partie des groupes légendaires les plus sous-estimés du Rock américain au sens large. Ce groupe arrivé peu de temps après les NEW YORK DOLLS et THE STOOGES, puis peu de temps avant les RAMONES et CHEAP TRICK n’a jamais récolté les honneurs qui lui étaient dûs. Ce groupe fut pourtant une des influences majeures au sein du Rock américain au sens large du terme.

Originaire de New York, THE DICTATORS s’était formé en 1972 sous l’impulsion du chanteur/bassiste Andy Shernoff et du guitariste Ross The Boss (qui allait plus tard sévir au sein de SHAKIN’ STREET et surtout MANOWAR, entre autres). Le groupe new-yorkais a dû patienter jusqu’en 1975 pour concrétiser la réalisation de son premier album. Celui-ci a pour titre Go Girl Crazy! et se signale par sa pochette vraiment rigolote.

Cet album voit THE DICTATORS proposer un mélange de Hard Rock, de proto-Punk, de Power-Pop et de Glam, chose qui n’était pas banale en 1975. La couleur est d’ailleurs annoncée d’emblée avec le mid-tempo « The Next Big Thing »: au début, on entend des applaudissements, le tout dans une ambiance live; puis le groupe balance sans complexe un Hard Rock mâtiné de relents proto-Punk qui est servi par des riffs crus, quelques courts passages acoustiques, des vocaux parfois incantatoires, qui plus est appuyés par des choeurs tapageurs. Et le tout a un côté catchy, s’avère entêtant, nonchalant au point de donner envie d’y revenir. Plus ou moins dans la même veine, « Master Race Rock » est joué sur le fil du rasoir, porté par un chant saccadé, une basse bien ronflante qui donne la réplique à la guitare sur le solo, un refrain aux choeurs aussi tapageurs qu’arrogants et a certainement dû influencer Duff McKagan et Nikki Sixx. THE DICTATORS semblait d’ailleurs un peu en avance sur son temps. Pour s’en convaincre, il suffit de poser une oreille sur « Two Tub Man », un morceau Hard Rock survolté, chargé de testostérone, un brin déjanté (avec, notamment, ses cris hystériques en intro) qui a anticipé en partie ce qu’a fait ensuite MOTÖRHEAD, ou, dans une approche plus originale, « Back To Africa », servi par une intro à la rythmique tribale, qui envoie bien avec son solo offensif, l’énergie Punk toujours présente, un refrain fédérateur gaiement repris en choeurs, des couplets qui interpellent et, à la réflexion, ce titre a dû servir d’influence aux CLASH. Une des caractéristiques de THE DICTATORS est de savoir se montrer catchy, anti-prise de tête et la bande à Andy Shernoff le démontre sur « Weekend », un titre qui s’avère idéal cotre la morosité, la dépression, et l’entêtant « (I Live For) Cars And Girls » qui combine habilement Hard Rock mélodique, proto-Punk et Surf Rock avec des choeurs insouciants que n’auraient pas renié les BEACH BOYS, un refrain ultra-catchy, sans oublier l’arrivée impromptue d’un passage de guitare acoustique au milieu des hostilités et, en y pensant bien, ce titre aurait pu faire un tube à l’époque si toutes les planètes avaient été alignées. Dans cet état d’esprit, le mid-tempo « Teengenerate », à cheval entre Power-Pop et proto-Punk et introduit par une rythmique lente, montre une certaine sensibilité à la fleur de peau, est axé sr des guitares mélodiques, un chant nonchalant épaulé par des choeurs insouciants, ainsi que la présence impromptue d’un piano à mi-parcours peu avant le solo de guitare et THE DICTATORS a montré là son sens de l’ironie, sa capacité à ne pas se prendre la tête. Cet album est compélét par 2 reprises: « I Got You Babe », de SONNY & CHER, apparait dans une version Classic-Rock à caractère mélancolique et Andy Shernoff semble pour le coup possédé, happé par le titre. On peut aussi ajouter que cette version, par ailleurs fort intéressante, préfigure en partie ce qui se fera chez certains groupes de Rock Alternatif dans les 80’s. Enfin, « California Sun » est une cover de Joe JONES (l’original date de 1960) et le groupe new-yorkais en a fait une version Punk Rock énergique, enjouée et addictive, donnant même envie de connaitre l’original.

Pour un premier album, THE DICTATORS a réalisé un coup de maitre. Les compos sont originales, inspirées et dotées d’une personnalité bien trempée. Le groupe new-yorkais semblait un peu en avance sur son temps car certains éléments figurant sur ce disque anticipaient en partie ce qui allait se faire vers la fin des 70’s et dans les 80’s. D’ailleurs, bien des groupes et artistes se sont inspirés de THE DICTATORS. Go Girl Crazy! a été accueilli dans une certaine indifférence à sa sortie et c’est regrettable car il fait partie, selon moi, des albums indispensables des 70’s.

Tracklist:
1. The Next Big Thing
2. I Got You Babe
3. Back To Africa
4. Master Race Rock
5. Teengenerate
6. California Sun
7. Two Tub Man
8. Weekend
9. (I Live For) Cars And Girls

Line-up:
Andy Shernoff (chant, basse)
Ross The Boss (guitare)
Scott Kempner (guitare)
Stu Boy King (batterie)

Label: Epic

Producteurs: Murray Krugman & Sandy Pearlman