Si BLACK SHEEP fait partie de ces nombreux groupes qui ont eu une durée éphémère, il a une particularité qui le démarque de ses nombreux compagnons d’infortune contemporains: au cours de son existence, il a vu défiler en son sein plusieurs musiciens qui allaient par la suite atteindre une certaine renommée internationale. Leurs noms ont de quoi donner le tournis: Paul Gilbert (futur RACER X et surtout MR. BIG), Slash (futur GUNS N’ ROSES et VELVET REVOLVER), Kyle Stevens (futur BANG TANGO), Mitch Perry (STEELER, Lita FORD, McAULEY SCHENKER GROUP), Randy Castillo (Ozzy OSBOURNE, MÖTLEY CRÜE, entre autres), James Kottak (futur KINGDOM COME, SCORPIONS, entre autres).

Ce groupe, qu’il ne faut pas confondre avec ses homonymes new-yorkais (celui-là a sévi au milieu des 70’s), japonais (auteur d’un EP de 3 titres durant le mitan des 90’s) et canadien (qui, lui, est un groupe de Stoner récent), s’était formé en 1981 à Los Angeles et, sous l’impulsion du chanteur/bassiste métis Willie Basse, qui a du charisme à revendre, a contribué à animer la scène de la grande mégalopole californienne durant cette première moitié des 80’s. La chance semble sourire à BLACK SHEEP lorsqu’il se retrouve signé chez Enigma, un label dynamique de l’époque qui avait donné un coup de pouce à des groupes comme STRYPER, POISON, HURRICANE, RED HOT CHILI PEPPERS; mais aussi THE SMITHEREENS, TEX AND THE HORSEHEADS, GREEN ON RED, T.S.O.L, entre autres. C’est en 1985 que BLACK SHEEP effectue ses débuts discographiques par l’intermédiaire de l’album Trouble In The Streets, que Willie Basse a co-produit en compagnie de Rick Altschuller.

La pochette de Trouble In The Streets indique clairement qu’on a affaire à un groupe de Hard Rock qui cadre plus ou moins avec le contexte du mitan des 80’s. Le groupe emmené par Willie Basse comptait alors dans ses rangs un certain Paul Gilbert, qui allait sur ses 19 ans et qui faisait ses premiers pas discographiques. La musique de BLACK SHEEP, plus ou moins variée, est un condensé de ce que le Hard Rock américain pouvait proposer tout au long des 80’s. Dans le genre Hard/Heavy bien en rapport avec ce qui se faisait à l’époque du côté de L.A, le mid-tempo « I Will Survive » se pose là et Willie Basse, pour le coup, prend des intonations vocales hargneuses, tendant vers les aigus et reste dans la moyenne, sans plus; tout comme « Eyes On Love », un autre mid-tempo qui, lui, marche dans le sillage des MÖTLEY CRÜE, RATT, DOKKEN, KING KOBRA, et « What Can I Do 4 U », un morceau teinté Hard/Glam qui ne sort finalement pas du lot. En se faisant plus résolument Heavy, BLACK SHEEP parvient davantage à convaincre, comme l’atteste « Love Warrior », un brûlot qui ressemble un peu au « Creatures Of The Night » de KISS, mais en plus furibard, et qui, à défaut d’originalité, passe bien la rampe grâce à la conviction et la détermination que le groupe déploie. Et quand il appuie encore plus sur le champignon, son efficacité prend plus d’ampleur et, pour s’en convaincre, il suffit de poser une oreille sur « Trouble In The Streets », un morceau Heavy/Speed qui dépote avec ses guitares virevoltantes, un chant écorché, parfois plus modulé (il va dans les médiums), une batterie pétaradante, et sur « Love Is Not Enough », un up-tempo Heavy qui défouraille en étant bien mis en avant par des guitares qui fusent de partout (en passant, Paul Gilbert donne déjà un aperçu de ce dont il est capable et qu’il développera par la suite), une basse ronflante. Ces 2 titres percutants apparaissent comme les moments les plus jouissifs de l’album. Il y a aussi un petit côté « précurseur malgré lui » chez BLACK SHEEP. C’est le cas, par exemple, sur le mid-tempo « Stick ! (To My Guns) » qui anticipe ce qu’a ensuite fait BRITNY FOX sur son premier album en 1988, voire dans une moindre mesure BADLANDS, mais le résultat n’est pas mirobolant. Le groupe emmené par Willie Basse et Paul Gilbert s’est montré bien plus efficace, convaincant « Stop Spiining Your Wheels », un morceau Big-Rock très typé « american way of life » qui peut être perçu comme du SLAUGHTER avant l’heure et là, ça le fait. Comme sur de nombreux albums Hard/Heavy-Rock US, il y a une power-ballad présente. « The Day Of The Kids » est assez classique avec la petite pointe de mélancolie de rigueur, ainsi que les grosses guitares hargneuses, poignantes sur le refrain et l’ensemble est correct, acceptable (en tout cas, il y a eu bien pire dans l’Histoire des ballades).

Tout bien considéré, ce Trouble In The Streets est une curiosité de l’époque en raison du pedigree de certains musiciens qui ont gravité autour de ce groupe, et pour les fans les plus acharnés de Paul Gilbert. Après, concernant son contenu, de bons titres côtoient d’autres plus anecdotiques, voire transparents. En fait, BLACK SHEEP avait le cul entre 2 chaises: trop Hard Rock US pour les uns, trop Heavy pour les autres. Qui plus est, ce groupe était quand même un cran en dessous des ténors (MÖTLEY CRÜE, RATT, DOKKEN) et des seconds couteaux (ICON, BLACK N’ BLUE, KING KOBRA). Trouble In The Streets est simplement un disque dans la moyenne, dans les limites de l’acceptable; mais pas un incontournable. Après, si BLACK SHEEP avait pu développer sa personnalité; il aurait peut-être pu arriver à un niveau intéressant car il y avait quand même un certain potentiel, notamment du côté du chanteur/bassiste Willie Basse qui avait des arguments pour se faire un nom durant les 80’s.

P.S: Comme il y avait déjà un groupe de Hard Rock américain avec le même nom dans les 70’s, le {1] est représenté ici pour désigner le groupe qui a sévi dans les 80’s pour le distinguer de l’autre (qui pourrait dans le futur faire son apparition sur le site).

Tracklist:
1. I Will Survive
2. Stop In The Name Of Love
3. Love Is Not Enough
4. What Can I Do 4 U
5. The Day Of The Kids
6. Stick ! (To My Guns)
7. Love Warrior
8. Eyes On Love
9. Trouble In The Streets
10. Stop Spinning Youf Wheels

Line-up:
Willie Basse (chant, basse)
Paul Gilbert (guitare)
Kurt James (guitare)
Todd DeVito (batterie)

Label: Enigma

Producteurs: Willie Basse & Rick Altschuller