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Cette fois ça y est. Avec The Number Of The Beast, Iron Maiden s’est désormais placé devant ses concurrents immédiats comme chef de file de la NWOBHM (Saxon et Def Leppard), écrasant au passage un challenger de plus en plus en vue (Samson qui perdit son chanteur dans l’aventure). Même leurs aînés et anciens modèles Judas Priest se retrouvèrent débordés par la tornade Iron Maiden et le succès phénoménal de leur troisième album. Après la tournée triomphale, le groupe effectuera sa dernière mue pour arriver à sa formation dorée. Si l’on peut rester interdit sur les raisons ayant poussé Steve Harris à virer le batteur Clive Burr (l’alibi invoqué de défaillance technique semble quand même peu plausible), s’il est légitime que les nostalgiques des débuts regrettent son style Rock ’n’ Roll très sympathique, force est de reconnaître que le remplaçant est à la hauteur. Nicko McBrain va non seulement s’imposer comme l’un des meilleurs batteurs de l’histoire du Heavy Metal, mais aussi apporter une personnalité exubérante qui fera beaucoup pour le capital sympathie du groupe. Pour l’anecdote, nous assisterons à un jeu de tabourets musicaux, Nicko McBrain passant du kit de batterie de Trust à celui de Maiden, Clive Burr de celui de Maiden à celui de Trust (mais de manière moins durable). On notera de manière malheureuse que la carrière de Burr n’arrivera jamais à se relancer (une participation avortée au sein d’Alcatrazz, des projets sans avenir avec d’autres musiciens déchus – Gogmagog et Desperado) jusqu’à cette ultime déveine avec une sclérose en plaques qui aura raison de lui.

Mais pour l’heure, il convient de retrouver Maiden où nous les avons laissés. Et dès l’entame de Piece Of Mind (album enregistré aux Bahamas, une juste récompense après le carton du précédent) le groupe – et surtout son batteur – frappe fort, très fort. Le break de batterie qui introduit « Where Eagles Dare » est en effet un tour de force qui laisse pantois, surtout lorsqu’on précise que McBrain n’utilise pas de double pédale, à l’instar de ses glorieux aînés de l’école anglaise, John Bonham et Ian Paice. Tout à la force de la cheville, et cela va continuer durant les six minutes du morceau. La puissance de la batterie n’est cependant pas la seule raison de la réussite du morceau (au titre inspiré d’un excellent film de guerre avec Richard Burton et Clint Eastwood) puisque Harris nous a également composé un riff phénoménal sur lequel Bruce Dickinson vient s’époumoner avec classe. Dickinson, justement, qui peut également montrer enfin ses talents de compositeurs à part entière (il se contentait – hélas pour le groupe – uniquement des textes chez Samon et n’avait pas eu l’opportunité de proposer quelque chose pour The Number Of The Beast). « Revelations » est effectivement à mettre au crédit du seul chanteur et mène à nouveau Maiden vers les chemin d’un Heavy Metal aux accointances progressives, alternants gros riffs de galériens et arpèges rêveurs. Première collaboration entre le duo Adrian Smith/Bruce Dickinson qui va se mettre à marcher – légèrement – sur les plates bandes de leur leader, « Flight Of Icarus » n’est pas ce qu’ils feront de mieux (il manque un je ne sais quoi à la mélodique pour être véritablement réussie), mais laisse entendre du meilleur pour la suite. Ce sera aussi l’occasion de voir pour la première fois un morceau non-signé par Harris sortir en single. Un geste magnanime qui doit sans doute pas mal au style un peu plus commercial (le refrain) du morceau. Ce sera d’ailleurs un succès, même si pas aussi grand que « Run To The Hills » (il manque de peu le Top10 britannique).

Pour la première fois, notre trio de compositeurs se retrouve sur « Die With Your Boots On », un Heavy mélodique entraînant qui chez un groupe ayant moins de grands titres à son actif serait devenu un classique. Le titre sera d’ailleurs fréquemment repris en concert dans les tournées suivantes. A juste titre. Classique, le titre suivant le sera en revanche. Peut-être même le titre le plus emblématique du groupe (même si les candidats se bousculent au portillon), je parle bien évidemment de « The Trooper ». Avec son riff de basse sautillant, ses guitares harmonisées qui le reprennent, ses « oh-oh-oh » si chers à Dickinson, sa thématique guerrière (sans virilité imbécile à la Manowar: la vrai guerre dans toute sa cruauté, pas le fantasme du motard), tout était fait pour nous accrocher et nous rester à tout jamais dans la tête. Plus calme, très mélodique, « Still Life » n’en est pas moins réussi et préfigure, l’air de rien, certains titres plus récents du groupe. Inspiré par La Guerre du Feu, « Quest For Fire » est un cran en dessous du niveau global de l’album et manque, si pas d’inspiration, certainement d’originalité. Original, « Sun And Steel » ne l’est pas non plus, mais le rendu est plus satisfaisant. Reprenant le pli prit sur l’album précédent, Maiden achève l’album par un titre épique, une tendance qu’ils poursuivront à l’avenir. Inspiré par l’incontournable Dune de Frank Herbert, « To Tame A Land » a le désavantage d’être sandwiché entre le classique « Hallowed Be Thy Name » et le chef d’oeuvre « Rime Of The Ancient Mariner ».  Il n’est de ce fait pas autant passé à la postérité que les deux autres. Peut-être manquait-il aussi d’une accroche mélodique suffisante pour marquer les esprits. Pourtant le titre est très réussi et les ambiances un peu orientalistantes n’ont aucun mal à nous transporter sur Arrakis. Avec Maiden, pas besoin d’Epice pour voyager dans l’espace, la musique suffit. Terminons en signalant que pour les face B des singles, le groupe avait fort joliment repris le « I’ve Got The Fire » de Montrose et le « Cross-Eyed Mary » de Jethro Tull.

Réitérant en Europe le succès de The Number Of The Beast, Piece Of Mind est l’album ayant permis à Iron Maiden d’enfin toucher les Etats-Unis, puisqu’il monta jusqu’à une jolie 14ème place. La présence du plus radiophonique (toutes proportions gardées) « Fligh Of Icarus » n’étant sans doute pas complètement étrangère à cela. Il est certain en revanche que Maiden adoptait un son de plus en plus grand public, sans que cela ne soit un mal, le groupe ne reniant nullement son style pour y arriver. Un poil moins incontournable que l’indépassable The Number Of The Beast, Piece Of Mind n’est pourtant pas loin de l’égaler en terme de qualité. Le clou était enfoncé et Maiden conforté sur son trône de Rois du Heavy Metal.

Titres:
1. Where Eagles Dare
2. Revelations
3. Flight Of Icarus
4. Die With Your Boots On
5. The Trooper
6. Still Life
7. Quest For Fire
8. Sun And Steel
9. To Tame A Land
10. I’ve Got The Fire
11. Cross-Eyed Mary

Musiciens:
Bruce Dickinson: Chant
Adrian Smith: Guitare
Dave Murray: Guitare
Steve Harris: Basse
Nicko McBrain: Batterie

Producteur: Martin Birch