91cW2ipW3uL._SY450_Lorsque Iron Maiden a annoncé que son nouvel album serait double, on ne peut pas vraiment dire que cela ait rassuré les fans. Il faut dire que The Final Frontier, leur dernier album, s’il n’était pas mauvais en soi, manquait franchement de nuances en présentant une série de titres assez longs, bien écrits, mais pas franchement excitants. Iron Maiden allaient-ils arriver à nous captiver pendant onze titres ou au contraire nous endormir ? Le cancer plutôt sérieux de Bruce Dickinson n’arrangeait rien au pessimisme ambiant. Et pourtant, au final, on peut voir The Book Of Souls comme une vraie réussite malgré quelques défauts. Certes, si vous cherchez un Maiden ‘right in you face’ dans la lignée du premier album ou même de The Number Of The Beast, il est certain que vous restiez sur votre faim et il serait peut-être temps de faire votre deuil. Iron Maiden n’est plus un groupe de jeunes loups sauvages et c’est bien normal, ils ont tous dépassés la soixantaine. Le groupe continue son évolution Heavy Metal progressif, entamée dès le milieu des années 80 et devenu leur style à part entière depuis les années 2000.

Comme sortant d’une jungle occulte, la voix de Bruce Dickinson parvient jusqu’à nous pour une intro atmosphérique avant que le reste du groupe déboule sur « If Eternity Should Fail ». Il s’agit d’un mid-tempo disposant d’une très bonne ligne de chant (normal, c’est une compo de Dickinson seul) et d’un riff typique de Maiden. S’il est assez posé, le titre, malgré sa longueur, est nullement mou comme pouvait l’être certains titres de The Final Frontier. Certains auraient peut-être voulu un titre plus rentre-dedans et moins long (avec l’intro, il fait quand même plus de huit minutes), mais moi cela me convient tout à fait. Cela dit, le titre s’accélère quelque peu pendant sa partie instrumentale avec des cavalcades typiquement Maiden. On remarque aussi que la production de l’ignoble Kevin Shirley, qui avait quand même gâché un bon album comme A Matter Of Life And Death, est ici acceptable, même si on reste loin du regretté Martin Birch (mais pourquoi a-t-il pris sa retraite ?). « Speed Of Light » est le single de l’album, assez logiquement car c’est un des titre les plus courts. Si on peut reprocher une ligne de chant qui aurait peu être plus accrocheuse sur les couplets, le refrain est lui de ceux qui rentrent rapidement dans la tête, l’un des meilleurs que le groupe ait composé depuis l’album Brave New World.

« The Great Unknown » est un titre progressif typiquement Maiden: arpèges calmes, premier couplet et cela s’emballe sur le deuxième couplet. Certes, on connaît la recette, mais pourtant le groupe ne semble pas en pilotage automatique et au contraire nous propose un morceau très réjouissant avec de nombreux passages dignes d’intérêts. On sent quand même que Bruce Dickinson a du mal à aller aussi haut que dans les années 80, mais rien d’insupportable (à condition d’apprécier son timbre qui est loin de faire l’unanimité) ou de honteux. On sent que Steve Harris a essayé de ne plus écrire une intro de basse en arpège, puisque celle de « The Red And The Black » est plutôt une succession d’accords. Personnellement, j’aurais commencé directement sur le très bon riff de guitare, vu que l’intro n’a rien à voir avec le reste du morceau. Là aussi, on est dans un titre dans la lignée des « hymnes progressifs » à la Maiden, avec ses « oh-oh-oh », ses guitares harmonisées, ses triolets de tambours…etc. Mais encore une fois, ça marche. Si le début de « When The River Runs Deep » est un peu brouillon (et aurait pu être supprimé), le reste est un titre semi-speed plutôt sympa avec plusieurs changements de rythmes. Il s’agit cependant du titre le plus dispensable du premier CD. L’orientalisant et épique « The Book Of Souls » termine la première partie de belle manière, on sentirait presque le sable d’Egypte et la brise du Nil. Et lorsque le tout s’accélère après six minutes, on retrouverait presque le Maiden de l’époque de Powerslave !

Le deuxième CD commence avec le fougueux « Death Or Glory ». S’il est parfait pour headbanguer, il lui manque quelque chose pour être vraiment mémorable: un riff plus accrocheur, un refrain plus travaillé. L’intro de « Shadows Of The Valley » ressemble fortement à celle de « Wasted Years », pourtant le titre a été composé par Janicks Gers et Steve Harris et non Adrian Smith. Passé l’intro, le titre se révèle néanmoins plus intéressant, même si rien de révolutionnaire. Hommage à l’acteur Robin Williams qui s’était suicidé l’année d’avant, « Tears Of A Clown » est un mid-tempo Heavy assez posé sur lequel traine un parfum de nostalgie. Nostalgie, c’est aussi ce qui ressort de « The Man Of Sorrows » qui commence comme une ballade avant de se transformer en titre Heavy lancinant. L’album finit comme il avait commencé, par une chanson de Bruce Dickinson. Mais le chanteur nous a préparé une surprise, puisque « Empire Of The Clouds » est le plus long titre jamais enregistré par Maiden vu qu’il approche les vingt minutes. Commençant par un piano avec quatuor à cordes, les autres musiciens vont peu à peu rejoindre discrètement l’ensemble. Ce serait mentir de dire que toutes les parties du morceau sont inoubliables (sans doute aurait-il mérité d’être plus travaillé), mais il est indiscutable que l’ensemble est digne d’intérêt et mérite d’être découvert.

Au final, après The Final Frontier ennuyeux et un A Matter Of Life And Death à la production désastreuse, The Book Of Souls permet à Iron Maiden de redresser la barre. Tout n’est cependant pas parfait, loin de là. En effet, le groupe a enregistré la majorité des titres très peu de temps après les avoir composé (suivant l’avis du producteur ?). Si cela donne une spontanéité et une énergie indéniable, cela a aussi empêché les morceaux d’être suffisamment travaillés. Certaines intros auraient pu être peaufinées, raccourcies ou supprimées, certaines parties améliorées. On sent aussi que le groupe ne maitrise pas toujours sur le bout des doigts tous les titres ce qui, associé à la production brouillonne de Kevin Shirley ne leur rend pas toujours justice. Et on se prend à rêver de ce qu’un producteur plus perfectionniste et exigeant comme Martin Birch aurait pu faire de ce matériel. Même chose pour la pochette qui aurait mérité mieux qu’un fond noir. The Book Of Souls n’est cependant pas un album à mettre aux poubelles de l’histoire, et trois ans après sa sortie, il demeure malgré tout un album plutôt solide qui aura permis au groupe de montrer qu’ils avaient encore des choses à dire.

Tracklist:
CD1
1. If Eternity Should Fail
2. Speed Of Light
3. The Great Unknown
4. The Red And The Black
5. When The River Runs Deep
6. The Book Of Souls

CD2
1. Death Or Glory
2. Shadows Of The Valley
3. Tears Of A Clown
4. The Man Of Sorrows
5. Empire Of The Clouds

Musiciens:
Bruce Dickinson: Chant, Piano
Adrian Smith: Guitare
Dave Murray: Guitare
Steve Harris: Basse, claviers
Nicko McBrain: Batterie
Janick Gers: Guitare
Michael Kenney: Claviers

Producteur: Kevin Shirley