Pour aborder un nouvel album de Bon Jovi avec un esprit ouvert en 2024, il faut comprendre que ce n’est pas le même groupe qu’il y a 40 ans. Finis les hymnes glam metal libidineux et torse nu de l’ère MTV; depuis que Max Martin a mis la main sur le rajeunissant « It’s My Life » à l’aube du millénaire, Bon Jovi s’est lancé dans la production d’un pop-rock contemporain pour adultes, lisse et empreint de nostalgie.

Et il n’y a rien de mal à cela. La capacité d’adaptation du groupe lui a permis de résister à la tempête grunge, de rester en tête des hit-parades et de remplir les salles jusqu’à la fin des années 2000, alors que nombre de leurs anciens pairs étaient relégués aux tournées d’été. Sur son seizième album, Forever, Bon Jovi fait le point sur l’héritage de quatre décennies, se remémorant et s’attaquant au présent à travers douze chansons souvent accrocheuses, prévisiblement gnangnan et indéfectiblement sincères.

Les deux premières chansons, « Legendary » et « We Made It Look Easy », donnent le ton de Forever, pour le meilleur et pour le pire. Dans la première, Jon Bon Jovi célèbre les plaisirs simples de bons amis et d’une femme qui l’aime et le soutient; dans la seconde, il se remémore l’époque où il régnait sur la scène des groupes de reprises du Jersey Shore avec ses copains, avant l’obtention des disques de platine. Les guitares sont aseptisées, les paroles sont tristes et vous pouvez deviner exactement à quel moment le groupe va s’arrêter pour que Bon Jovi prononce l’accroche. Pourtant, malgré tous vos efforts, ces chansons vont se loger dans votre cerveau, parce que c’est ce que ce groupe fait de mieux.

D’autres titres de Forever font des rappels réussis aux années 80 et au début des années 90, période de gloire de Bon Jovi. « The People’s House » fait un clin d’œil à « Keep the Faith » avec des grooves contagieux et des riffs de piano entraînants, et le très bavard « Living Proof » comporte l’un des refrains les plus urgents du groupe depuis des années (même si les leads pédestres de Phil X sont loin des solos vivaces de Richie Sambora). Tous ces regards en arrière ne sont pas toujours payants : « My First Guitar » est la dernière d’une longue série de chansons mélodramatiques dédiées au cheval d’acier de Bon Jovi, et celle-ci sonne mieux en théorie qu’en pratique. Le somptueux « Kiss the Bride » est un classique de la danse de mariage qui fera pleurer les pères, tandis que ceux qui ne font pas partie de cette catégorie démographique se contenteront de regarder leur téléphone avec impatience.

Et difficile de parler de ce Forever sans mentionner le problème vocal bien documenté de Jon Bon Jovi, qui a été traité dans la série documentaire en quatre parties du groupe qui est sortie sur la plateforme américaine Hulu : Thank You, Goodnight : The Bon Jovi Story. Le chanteur a subi une intense opération de reconstruction des cordes vocales en 2022, ce qui a jeté le doute sur son avenir en tournée. Sa voix semble naturellement usée ici – son vibrato est bancal et il y a quelques signes de correction de hauteur – mais dans l’ensemble, il semble confiant et déterminé, atteignant des notes aiguës impressionnantes sur « Waves ». Les feux d’artifice vocaux de « Livin’ on a Prayer » ou « In These Arms » ont disparu depuis longtemps, mais ce n’est pas grave. Comme le rappelle Bon Jovi sur le contemplatif « Hollow Man », qui clôt l’album, il a conquis tous les sommets au cours des 40 dernières années. Qu’il revienne ou non au sommet de sa forme, ce qui compte maintenant, c’est qu’il refuse de se laisser abattre sans se battre.

Tracklisting

1. « Legendary »
2. « We Made It Look Easy »
3. « Living Proof »
4. « Waves »
5. « Seeds »
6. « Kiss The Bride »
7. « The People’s House »
8. « Walls Of Jericho »
9. « I Wrote You A Song »
10. « Living In Paradise »
11. « My First Guitar »
12. « Hollow Man »

Musiciens:
Jon Bon Jovi – chant
David Bryan – claviers, piano, chœurs
Tico Torres – batterie, percussions, chœurs
Hugh McDonald – basse, chœurs 
Phil X – guitare solo, guitare rythmique, guitare acoustique, chœurs